L'olivier
Bel olivier, cher compagnon de mon enfance !
Par tous les temps, tu m'as toujours offert défense
Dans le chagrin, contre l'ennui et les offenses.
 
Je venais m'abriter dans les creux de ta hanche.
Tu balayais ma peine d'un revers de ta branche.
Et dans le vent filtré j'écoutais ma revanche.
 
Tu prenais du soleil la chaleur qui endort,
Tu laissais à tes pieds se répandre ses ors.
Qu'il était doux s'étendre à l'ombre de tes stores!
 
Sur ton tronc torturé, tes souples branches dansent
Et leur mêlée nous cache, en battant la cadence,
Si celle qui finit là, de ce côté commence.
 
Roi de l'aride steppe, tu en fais champs fertile.
Car tu es arbre et comment l'arbre peut-il
Etre si beau quand ciel et terre lui sont hostiles ?
Quand à ton sol la soif fait que l'herbe se meurt,
On laboure à l'entour, comme fait le semeur
Pour couler dans ta sève les nuées de la mer.
 
Et tes feuilles d'argent sur tes rameaux posées
Recueillent du matin les gouttes de rosée
Et rangent de riches perles en collier d'épousée.
 
Tu éclairas le monde, ses temples, ses chemins.
Tu es l'arbre du pauvre, tu adoucis son pain.
Sans toi serait brouet le banquet des rupins.
 
Dans ma pensée tu es présent à tous mes âges.
Dans les jardins, dans la forêt, dans le pacage.
Tous mes chemins passèrent à travers ton bocage.
 
Tu es l'arbre du peuple, des princes et des morts,
Mais au fond de mon âme qui là-bas rôde encore,
Tu es de ma jeunesse le plus beau des décors.


Paris, mars 1995 

André LAPERROUSAZ **
(Carnot : 1935 - 1941)   


** Notre camarade André LAPERROUSAZ (Carnot 1935/1941), qui a écrit ce magnifique poème, paru en 2001 dans les mémoires carnotiennes, diplomate honoraire, éminent arabophone et arabisant, avait fait le discours d'AMILCAR au centenaire de Carnot à Tunis en mai 1993...